Vagrant Story n’est pas un RPG comme les autres. Sorti à la fin de l’ère PlayStation 1, ce titre de Square Enix (conçu par l’équipe derrière Final Fantasy Tactics) est une œuvre à part, mêlant une mise en scène cinématographique sombre et un système de jeu d’une complexité abyssale. Direction la cité maudite de Léa Mundis.
1. Une mise en scène magistrale et un scénario adulte
Dès l’introduction au manoir du Duc Bardora, le ton est donné : l’ambiance est lourde, politique et mystique. Le joueur incarne Ashley Riot, un Riskbreaker, sorte d’agent d’élite, envoyé aux trousses de Sydney Lostarot, le leader charismatique d’une secte ayant fait des otages.

Le jeu se démarque par :
- Une réalisation au sommet : Malgré les limitations de la PS1, la mise en scène est incroyable, avec des angles de caméra dynamiques et un sens du découpage qui n’a rien à envier au cinéma.
- L’atmosphère de Léa Mundis : Une cité millénaire en ruines, dévastée par un séisme, qui sert de théâtre à un huis clos étouffant et fascinant.
2. Gameplay : L’art des chaînes et la gestion du risque
Le système de combat de Vagrant Story est connu pour son exigence. Ici, pas de martelage de touches, mais une précision chirurgicale :

- Les Chain Abilities : Le joueur doit déclencher ses attaques avec un timing précis (symbolisé par un point d’exclamation) pour enchaîner les coups. C’est souvent le seul moyen d’infliger des dégâts significatifs aux boss.
- Le système de risque : Plus vous attaquez, plus votre barre de Risk augmente. Si elle est élevée, vous infligez plus de coups critiques, les sorts sont plus puissants, mais votre défense s’effondre et votre précision diminue drastiquement.
- Affinités et types d’armes : Chaque ennemi a des faiblesses spécifiques (Type : Humain, Mort-vivant, Fantôme, etc. / Attaque : Tranchant, Perçant, Contondant). Il est impératif de changer d’équipement constamment pour s’adapter, sous peine de ne faire aucun dégât.

3. La forge et la micro-gestion : Au cœur du jeu
Pour survivre à Léa Mundis, la force brute ne suffit pas. Il faut devenir un expert en logistique :

- Entretien des armes : Les armes s’usent (DP – Damage Points) et perdent en efficacité. Il faut les réparer régulièrement dans des ateliers de forge.
- Gemmes et accessoires : L’ajout de gemmes sur les poignées d’épées permet de booster des affinités élémentaires ou des statistiques cruciales pour tomber certains boss.
- Les Phantom Points (PP) : En utilisant une arme, elle accumule des PP qui augmentent temporairement sa puissance. Une arme « rodée » est bien plus efficace qu’une arme neuve.
Une partition magistrale signée Hitoshi Sakimoto
L’ambiance de Vagrant Story doit énormément à son compositeur, Hitoshi Sakimoto (connu également pour Final Fantasy Tactics et FFXII). Sa musique ne se contente pas d’accompagner l’action, elle définit l’espace.
- Une atmosphère « Cinématique » : Contrairement aux JRPG classiques de l’époque qui misaient sur des mélodies entêtantes, Sakimoto propose ici une bande-son orchestrale, sombre et expérimentale. Les sonorités sont souvent dissonantes et mystérieuses, renforçant le sentiment d’isolement d’Ashley dans les profondeurs de la cité.
- Le mariage du son et de l’image : La musique évolue avec une fluidité rare. On passe de thèmes d’exploration minimalistes, presque imperceptibles, à des morceaux de boss épiques et grandioses (cuivres, percussions lourdes) sans jamais briser l’immersion.
- Le sound design au service du gameplay : les bruitages sont excellents et surtout très utiles. Dans un jeu où le timing est vital, le son du métal qui s’entrechoque ou le signal sonore de l’attaque deviennent des repères indispensables pour le joueur. C’est l’un des rares jeux de cette ère où tendre l’oreille est aussi important que d’ouvrir l’œil.
Une direction artistique gothique et intemporelle
La force visuelle de Vagrant Story réside dans son refus des standards colorés du RPG japonais de l’époque. Ici, tout est fait pour servir le réalisme sombre et l’oppression.
Le character design d’Akihiko Yoshida : On reconnaît sa signature unique : des silhouettes élancées, des visages anguleux et un souci du détail maladif dans les costumes (cuirs, sangles, armures complexes). Le design d’Ashley Riot, avec sa chevelure caractéristique, et celui de Sydney, mystique et androgyne, sont devenus iconiques. Malgré l’âge du jeu, les expressions faciales et la manière dont les personnages tiennent leur équipement restent impressionnantes de précision.

La ville n’est pas qu’un décor, elle raconte une histoire. L’architecture s’inspire de l’art roman et byzantin, avec ses cathédrales imposantes, ses cryptes étouffantes et ses ruelles pavées. La palette de couleurs est volontairement sobre — des tons ocre, gris et terreux — ce qui rend les rares effets de magie ou les apparitions de monstres d’autant plus marquants.
Une esthétique « bande dessinée » : Pour pallier les limites techniques de la console, l’équipe a utilisé un système de bulles de texte et des onomatopées visuelles. Ce choix donne au jeu un aspect « comics » ou roman graphique très élégant qui n’a pas pris une ride.
La mise en scène cinématographique : Le jeu utilise intégralement le moteur 3D pour ses cinématiques. Les jeux d’ombres, les contre-plongées et les gros plans sur les visages lors des dialogues apportent une immersion permanente, transformant chaque rencontre en un moment de tension dramatique pure.
4. Verdict : Un chef-d’œuvre exigeant
Vagrant Story est un jeu qui que seuls les plus acharnés découvriront dans son entièreté. Sa difficulté et ses menus denses peuvent rebuter, mais il offre une satisfaction inégalée une fois ses mécaniques maîtrisées.
| Points Forts (👍) | Points Faibles (👎) |
| Mise en scène révolutionnaire pour son époque. | Complexité extrême qui peut décourager au début. |
| Système de combat profond et ultra tactique. | Menus lourds (changements d’armes incessants). |
| Ambiance unique, sombre et mélancolique. | Difficulté punitive sans une bonne compréhension de la forge. |
| Grande rejouabilité (New game+, 100% map). | Navigation dans les salles parfois confuse. |
Mon défi 100% map :





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